Mes paysages : paysage urbain en Amérique du Sud Peindre le paysage réel, saisir son mariage avec l’humain, c’est, pour le peintre,définir une nouvelle distance, une transformation, une mise en évidence.
Quelquefois, en la matière, on croise des gestes magistraux. Un jour, dans une exposition d’un grand musée, c’était, je crois, à Londres ou à Berlin , un artiste, (qu’il m’excuse, mais je ne me rappelle pas son nom) présentait une vidéo, d’une émeute, d’une manifestation ou d’une scène de rue. Je me rappelle que c’était en Amérique du Sud. Dans cette vidéo, il avait conservé le son, mais l’image avait été transformée automatiquement en rayures verticales changeantes, selon les mouvements de la scène réelle, mouvements de la caméra, des personnages, des véhicules dans la rue… outre le résultat plastique réussi, ces rayures qui se transformaient, mariées avec la réalité du son, contenaient la scène. Mais y échappaient aussi et permettaient à l’humain d’y trouver une place neuve et étrangement lisible.
Ce jour là, j’ai pris toute une série de photos avec mon téléphone portable. Instantanées, dépouillées du mouvement et du son. Quelques mois après, je me suis mis à la peinture. Il fallait de la délicatesse pour aborder l’extrême légèreté de ces images. Et il fallait, une temporalité longue pour saisir le souvenir lointain de leur instantanéité.
Alors, j’ai préparé des supports en carton, à la colle de peau et au blanc de lithopone pour donner la lumière. Des supports fragiles. J’ai dessiné les rayures, légèrement instabilisées dans leur parallélisme, dans leur courbure. puis je les ai peintes en superposition de nombreuses couches de couleurs fluides, fragiles, translucides.
Le paysage et son fracas humain a presque disparu, et pourtant, il est là. Comme un habitant de la transparence.
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